Réussir une promotion interne

Paroles d'expert

15 mai 2018

Vous avez un poste à pourvoir. Vous auriez pu vous lancer dans un recrutement. Vous avez décidé de recourir à une promotion interne.

Peut-être pour une question d’éthique, parce que vous êtes soucieux de l’humain, du social.

D’évidence, la pratique des promotions internes valorise l’image sociale de l’entreprise : elle s’applique à reconnaître les mérites et les talents, mêmes potentiels, de ses collaborateurs ; et leur ouvre des perspectives d’évolution. Si le climat social est sain, et les promotions internes y contribuent, l’ascension d’un membre de l’équipe réjouira chacun, et chacun en éprouvera par procuration une certaine fierté.

Vos raisons peuvent être plus pragmatiques.

Les promotions internes successives contribuent à fidéliser les meilleurs de nos collaborateurs. Et il est raisonnable de ne pas laisser fuir les cerveaux, les talents qui se sont développés dans votre entreprise, les personnes sur lesquelles vous avez investi.

Peut-être aussi avez-vous opté pour une promotion interne afin de limiter les risques. Vous savez déjà beaucoup de la personne qui sera distinguée, de ses comportements au travail, elle a fait ses preuves, et cette personne connaît bien l’entreprise, sa culture, ses us et coutumes, son histoire, ses valeurs, son organisation formelle et informelle, ses codes explicites ou implicites… L’intégration en sera facilitée pense-t-on, et aussi l’efficacité à court terme. Ce n’est pas si sûr.

Classiquement, une démarche de prévention des risques comporte une évaluation de la “probabilité” de l’accident ET une évaluation de la “gravité” potentielle de l’accident.

Que vous optiez pour un recrutement externe ou pour une promotion interne, la probabilité d’un échec reste équivalente. Mais dans le cas d’une promotion interne, la gravité de cet éventuel échec est beaucoup plus importante, ses conséquences réellement plus lourdes.

En effet, non seulement les exigences du poste ainsi pourvu ne seront pas satisfaites, mais celles du poste antérieurement occupé par la personne promue, celles du poste où elle était remarquable, peuvent aussi ne plus l’être, pas si bien qu’avant…

Par ailleurs, votre crédit de manager pâtira plus de l’échec d’une promotion interne que d’une erreur de recrutement. Vous le savez, les mauvais esprits s’engouffreront dans la brèche, nous l’avions bien dit commenteront-ils, et accuseront votre manque de discernement, votre méconnaissance de vos propres collaborateurs ou votre subjectivité.

Et il y a plus.

Les dégâts humains aussi sont plus graves. Dans le cadre d’un recrutement, il n’est pas très difficile au nouveau collaborateur dont on se sépare à l’issue de la période d’essai de dire à sa famille que ce nouvel emploi n’est pas satisfaisant, que la nouvelle entreprise ne permet pas de réussir, qu’ils sont mauvais… Il est plus difficile de préserver son intégrité psychologique après l’échec d’une promotion interne : dont tout le monde s’était réjoui, pour laquelle on avait été félicité, admiré… jalousé peut-être. Continuer de travailler dans la même entreprise après une telle déconvenue peut être une souffrance. Une promotion qui échoue conduit souvent à la séparation : l’entreprise y perd une personne dont la valeur ajoutée avait pourtant été jugée remarquable – auparavant !

Quand nous décidons d’une promotion interne, les conséquences d’une erreur de jugement sont telles qu’elles exigent de s’entourer de toutes les précautions. Les hommes ne sont pas des pions qu’on peut déplacer sur l’échiquier au gré de ses fantaisies, pour voir, pour essayer, selon l’idée qui nous passe par la tête, en faisant l’économie – coûteuse ! – d’une analyse approfondie.

Mais peut-être votre choix est-il déjà arrêté ? Vous savez qui parmi vos collaborateurs peut réussir dans le poste à pourvoir. Même si c’est le cas, des questions restent en suspens.

Ne convient-il pas d’ouvrir ce recrutement à une concurrence interne (annonce interne) ? Voire externe ?

Cette pratique présente bien des avantages, et quelques inconvénients :

  1. Des avantages

  • Pour la personne promue, la décision sera plus gratifiante et motivante… et plus crédible, plus professionnelle. Il en est assuré, votre choix n’est pas un choix par défaut. Et plus encore si vous avez simultanément ouvert une procédure de recrutement externe.
  • La publication d’une annonce interne confère un caractère d’objectivité à la décision future. Elle évite l’émergence dans l’entreprise d’un sentiment d’iniquité, de favoritisme… qui rendrait plus délicate la réussite dans son nouveau poste de la personne promue.
  • Une annonce interne est un message fort, un acte de communication, pour signifier que chacun peut évoluer dans l’entreprise.
  • En analysant les candidatures issues des annonces, vous pouvez être amené à réviser votre choix initial et à prendre une meilleure décision. Vous avez trouvé une perle, peut-être un talent interne que nul n’avait antérieurement détecté (certains répugnent à se mettre en avant, même parmi ceux qui ont les plus hauts potentiels).
  • Une annonce interne est une forme d’audit social : il vous donnera une image intéressante de l’état des troupes, du niveau d’engagement et de motivation de vos hommes, des aspirations des uns et des autres, de leurs insatisfactions…
  • Si vous publiez une annonce, le candidat ultérieurement retenu aura postulé de sa propre volonté. En revanche, ne pas passer d’annonce et décider d’une promotion par approche directe s’apparente à de la chasse de tête en interne. Si vous deviez plus tard lui exprimer votre insatisfaction, la personne promue pourra toujours vous rétorquer qu’elle n’avait rien demandé, elle, et que c’est vous qui êtes venu la chercher.
  1. Des inconvénients

  • La décision sera prise moins rapidement… Cela dit, dans le cas contraire, quand une seule personne est évaluée, si la décision finale est négative, il faudra recommencer à zéro et initier une démarche classique de recrutement pour pourvoir le poste.
  • Dans le cas de candidatures internes multiples, il faudra veiller à ménager l’amour propre et la motivation des personnes qui ne seront pas retenues.
  • C’est évident, chacun des collaborateurs de l’entreprise qui fera acte de candidature devra bénéficier d’au moins un entretien approfondi. Ces entretiens sont délicats à mener – et ils sont chronophages. L’appui d’un consultant peut pallier cet inconvénient.
  • Le soin apporté à la rédaction de l’annonce interne limitera ces inconvénients. Parfois, il sera judicieux de décourager les candidatures inopportunes : par exemple en insistant fortement sur l’importance de la composante administrative du poste, ou sur les compétences informatiques indispensables… En revanche, vous devrez trouver un moyen élégant de vous assurer que la personne pressentie pour cette promotion se porte bien candidate.

L’expérience le prouve, les recrutements par promotions internes ne génèrent pas moins d’erreurs que les recrutements externes. La raison ? Si performant et méritant soit dans son poste présent un collaborateur, ses comportements connus ne sont pas toujours prédictifs de ceux qu’il aura à un nouveau poste. Sa réussite antérieure ne garantit pas sa réussite future. Les surprises sont parfois douloureuses.

Le Principe de PeterCe principe (Laurence J. Peter et Raymond Hull, Le Principe de Peter, Paris, Stock, 1970) postule que dans une structure fortement hiérarchisée, tout collaborateur à tendance à s’élever jusqu’à ce qu’il atteigne son niveau d’incompétence et qu’ainsi, avec le temps, chaque poste est occupé par une personne incapable de satisfaire à ses exigences.Comment ça marche ? Quand quelqu’un est performant à son poste, il bénéficie d’une promotion. Puis d’une autre quelque temps plus tard, s’il est encore compétent. Jusqu’au moment où il occupera un poste où il sera incompétent. Alors, il ne sera plus promu, et il ne sera pas rétrogradé non plus. Il y restera indéfiniment.Tout cela peut sembler caricatural. Convenons-en pourtant, le meilleur commercial ne fera pas toujours un bon directeur des ventes, ni le plus compétent des ingénieurs le meilleur directeur technique. Une décision éclairée exige une analyse approfondie de la personnalité et de ses potentiels.

Un consultant compétent saura mieux que quiconque conduire les entretiens avec chacun des candidats internes. En s’appuyant sur des outils d’évaluation de la personnalité et du potentiel adaptés, il valorisera les atouts de son interlocuteur, ses qualités, et le plus souvent, il conviendra avec lui de la décision opportune : les caractéristiques du poste ne lui permettraient pas de se réaliser, et tel ou tel aspect du poste ne convient pas à ses qualités qui seraient plus utiles dans une autre fonction. La qualité des entretiens que ce consultant professionnel conduira avec chacun vous assurera que soit préservé le niveau de motivation des candidats internes recalés, et aussi la qualité future de votre relation de travail avec chacun d’eux.
Et, surtout, il maîtrise aussi un savoir-faire relationnel indispensable aux missions de cette nature.Un consultant spécialisé dans l’évaluation des personnalités sera lui en mesure de prédire les comportements de cette personne face à des responsabilités différentes, dans un autre contexte… C’est son métier.

Au final, une promotion interne est une démarche éminemment louable et potentiellement très enrichissante, mais délicate à piloter aussi. Toute erreur se paiera cash.

Il existerait pourtant un moyen de limiter les risques et le coût des promotions internes, même décidées à l’emporte-pièce. Il suffirait de se conformer au principe de Dilbert (la version humoristique du célèbre principe de Peter) : « Les gens les moins compétents sont systématiquement affectés aux postes où ils risquent de causer le moins de dégâts : ceux de managers » (Scott Adams, Le principe de Dilbert).

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